En marge du 10 éme Festival International du Cinemad’Alger, une rencontre portant sur les « Femmes de cinéma et femme au cinéma » a eu lieu, dimanche matin, au niveau de salle Frantz-Fanon de Riadh El-Feth à Alger.
Quatre femmes, issues de pays étrangers se sont relayées pour apporter leur éclairage sur cette spécificité des femmes au cinéma, modérée par la critique et productrice Nadia Meflah
Amina Haddad, productrice algérienne engagée
« Je vais lancer une première approche sur la distinction femmes de cinéma et cinéma avec des femmes. C’est une approche qui me parait très honnêtement exogène à nos préoccupations, dans le sens où cette catégorisation, je ne la sens pas si présente que cela sur le terrain de l’activité. Cela s’explique par plusieurs choses. Plus globalement cela est dû , au fait, que le seuil des entraves, des limitations à la liberté de créer et de faire des films nombre de difficultés qui se mettent en travers des faiseurs des films faisant qu’on ne distingue pas ou on se sous distingue pas quand on est une femme. J’ai trois exemples en tête qui sont l’image de l’implication individuelle, engagée et engageante de femmes dont j’aimerai vous témoigner de l’existence. J’aimerai vous parler de Drifa Mezenner qui est une jeune réalisatrice algérienne qui a réalise quelques films mais qui en ce moment utilise l’image et le son pour se faire le témoin oculaire de la révolution en cours. J’ai aussi l’exemple tout récent d’une jeune comédienne qui s’est investie pendant des années pour créer un ciné club, dotée sa ville d’origine qui dépourvue d’activités culturelle. Cette fille a réussi à fédérer des efforts pour créer un ciné-club. Ce qui n’est pas rien. Je dis cela, c’est juste pour vous donner un aperçu des seuils que l’ont s’évertue à essayer de franchir qui ne sont, peut-être pas les mêmes que sur le plan international. J’ai aussi en l’idée Leila Aoudj, qui est la directrice artistique des journées cinématographiques de Bejaia. Elle a pris le relais lors de la 16 et 17 me édition de l’existence de ces rencontres. Et qui a eu un élan de courage que de contrer par exemple, une des difficultés majeure qui est la censure par la projection de deux films, frappés d’une interdiction de diffusion au sein même des activités qu’elle mène pendant le reste de l’année en dehors des rencontres cinématographiques de Bejaia.
Lucienne Castellina, journaliste et romancière italienne
« Je suis une femme qui voit le cinéma mais qui ne fait pas le cinéma. C’est une différence mais je pense qu’on ne peut pas parle de ce sujet sans parler de quelque chose d’important. Alors avez-vous allumé la télévision ce matin. ? Qu’est-ce que vous avez vu à la une ? C’était un corps de femmes. Les femmes ont dénoncé l’abus sexuel des puissantes personnes du cinéma. Ce qui s’est passé à Hollywood avec des mouvements MeToo, détachés à partir de Hollywood est un fait historique parce que les femmes ont été abusées de toujours. Cela on le sait mais la grande différence, c’est qu’on n’y avait jamais cru. C’est la première fois qu’on donne confiance aux femmes. Une conquête extraordinaire se passe à Hollywood. C’est très important car le cinéma, c’est quelque chose qu’on voit qui se passe à Hollywood à cause du pouvoir du cinéma. C’est extraordinaire car le mouvement Metoo n’aurait pas pu naitre. Ce mouvement s’est élargi. C’était la première fois dans l’histoire ce que disent les femmes est important. Cela secoue le pouvoir. Je dis cela car je ne partage pas les lamentations. C’est vrai qu’on tue, aujourd’hui, beaucoup plus de femmes, qu’auparavant. Est-ce que vous connaissez des révolutions qui se passent sans que le sang coule ? Les révoltions sont cruelles. Pourquoi il y a plus de femmes qui sont battues et tuées ? Parce que les hommes ne supportent pas que les femmes soient équilibres. Si vous voyez les cas de femmes tuées, ce sont toujours des femmes qui ont décidé de tout quitter, de décider de leurs vies d’une façon autonome. Les hommes ont gardé leurs pouvoirs mais ont perdu leur autorité. Ils sont dans un état de désarroi. Il y a une crise des hommes. Ils ne comprennent plus rien. Ils sont prêts à accepter ce fait nouveau. On sait que la révolution des femmes est plus grande révolution historique. Me concernant, je viens d’une génération après guerre où l’on nous a appris qu’il fallait nous émanciper. Devenir comme les autres. Cela m’a pris 20 ans pour comprendre qu’être être comme les hommes ce n’était pas un grand objectif. Le problème, c’était de valoriser ma différence et ne pas devenir comme les autres. Je suis restée, toute ma jeunesse, dans une situation dans laquelle je cherchais à me cacher en tant que femmes. J’aurais coupé mon corps. C’est pour dire que le problème est bien plus compliqué que de dire que les femmes ne doivent pas devenir comme les hommes. Les femmes pour se libérer, doivent, complètement, changer leur société. Nous le savons bien. Je vais vous donner un chiffre. Il y a de plus en plus de femmes qui sont magistrats, médecins, universitaires et managers. Il est à noter en chiffre que les mangers hommes sont de l’ordre de 95% avec des enfants. Et le restant est seulement de managers femmes avec aussi des enfants. Pour devenir manager, les femmes doivent renoncer à être femmes. Vous allez me dire qu’est ce que cela à avoir avec le cinéma ? Je pense qu’il y a une relation étroite avec le cinéma. Si vous regardez bien, il y a un livre italien « Les poupettes méchantes » qui est sorti dernièrement et qui a été écris par deux hommes du cinéma. Ces derniers travaillent pour politique El Manifesto. Le livre en question revient l’histoire du cinéma hollywoodien.
Si vous regardez bien, c’est vrai que les femmes, même au commencement, on voulait les montrer comme des poupettes. Pour les désirs des hommes, elles sont des braves filles à la maison mais ils sont tous en train d’introduire un nouveau monde ; des rébellions à cette image différente. Seulement, il y a une période, tout de suite après la guerre, les femmes deviennent bien sages. Après la guerre, on pense qu’on doit revenir à la normalité. Une normalité qui veut que les femmes redeviennent de braves femmes qui restent à la maison. A part, cette période courte, même les héroïnes de la résistance européennes, par exemple, sont toutes de bonnes femmes. Si on refait l’histoire du cinéma et on voit que ce qui s’est passé. Je crois je crois qu’on a peur retracer ce fil rouge d’une résistance et d’une rébellion de femmes au rôle que le cinéma voudrait officiellement donner aux femmes
Apolline Traoré-Productrice et réalisatrice burkinabaise
« Je me considère non seulement une femme de cinéma mais également mes thématiques portent sur les femmes au cinéma. J’ai choisi de parler de la thématique des femmes africaines tout simplement parce que, j’ai jugé bon que nous femmes, avons une autre façon de présenter la femme à l’écran. Nous avons eu beaucoup film sur les femmes, élaborés par des hommes avec une certaine identité et avec une certaine vision qui n’était peut-être pas la mienne. Parce que je me sentais assez frustrée par rapport à cette image de cette africaine qui devrait être la femme au foyer, s’occupant de sa famille. Il était important pour moi de montrer, non seulement, la force de cette femme mais aussi la force qu’elle peut faire dans cette société. Ne pas être stigmatisé de cette manière là quand on parle de femmes. Me concernant, en tant que femme au cinéma, cela a été un combat assez rude par rapport à la qualité des films qu’on donnait. Je donne, l’exemple de ma région, Est Afrique et centrale. J’ai fait mes études aux Etats-Unis assez longtemps. J’avais une façon de voir les choses et de travailler. Quand je suis revenue dans mon pays, il y a u fait qui se produit. On ne vous prend pas au sérieux, c’est-à-dire vous êtes une femme. Donc, vous n’êtes pas capable. Une femme noire dans cette zone là qui fait du cinéma c’est comme si, elle était là pour s’amuser ou dire quelqu’un chose qui n’intéressait personne. Non seulement on arrive dans ce monde du cinéma jeune et on a quelque chose à dire. On est confronté à des hommes qui sont beaucoup plus âgés que vous et qui vous considère comme une enfant qui n’a rien à dire ou une expatriée. Déjà il fallait se battre pour montrer qu’on avait quelque chose à dire bien qu’on soit jeune. Il y avait cette bataille et après quand vous passez cette bataille là, vous vous retrouvez avec des films de qualité égale à ceux qu’on a vus depuis. Après on ne juge pas votre travail mais votre personne En principe, on juge tout simplement si le film de bonne qualité. On vous catalogue d’une certaine manière en disant que ce n’est pas elle qui l’a fait mais telle autre personne. Il y a des hommes autour. Elle n’a pas pu faire ce film là. Et quand, vous avez un budget assez conséquent pour faire votre film, ils disent qu’elle a été connectée à telle ou telle personne pour obtenir son budget. Ce n’est jamais une critique sur votre travail mais une critique sur votre personne. C’est frustrant. Quelque soit ce que vous allez faire cela revient toujours qui êtes-vous en tant que femme. On critique la personne. On se demande comment elle a eu son budget. Il y a ce problème en tant que femmes de cinéma. Je voudrais dire que le mouvement MeeToo a été pour moi quelque chose d’extraordinaire mais aussi un peu frustrant. Parce qu’ on a parlé d’une thématique dans le cinéma sans aller un peu plus loin. Je m’explique : Quand on regarde ces thèmes très importants par rapport au MeeToo qui n’est pas la même réalité quand nous sommes des réalisatrices parce que tout cet abus qu’il y en a. Les actrices qui sont vulnérables, obligées de travailler pour quelqu’un. Je vais vous donnez un exemple. Quand vous êtes une femme et que vous confrontez. Vous êtes en train de chercher votre budget et vous êtes en train de faire votre travailler. Et que vous avez 60 personnes derrière vous et que vous êtes confrontés à ce genre d’abus. Qu’est ce que vous faites ? Est-ce que vous dénoncez car si vous dénoncez, tout votre projet tombe à l’eau. Donc, vous n’êtes pas seule. C’est-à-dire que ce mouvement en tant qu’actrice, vus êtes là devant mais en tant que réalisatrice. C’est-à-dire quand vous tombez ou quand vous dénoncez, vous dénoncez pas juste votre personne mais vous dénoncez tout un projet qui est derrière. Vous vous dites si je dénonce cela et qu’on m’attaque par rapport à cela ou si on m’expose par rapport à certains abus sexuels. Qu’est ce que je fais ? Est-ce que j’en parle et je dénonce mais si vous dénoncez tout votre projet tombe à l’eau. Je me suis dis, tu te tais car si tu ne tais pas, tout le projet tombe à l’eau. Vous avez 60 à 70 personnes qui sont là et qui attentent à participer à ce projet. Ils sont tous excités et tout le monde y croit. Vous allez venir parler de quelque chose au risque de mettre votre projet aux oubliettes. Il y a trop de personnes et d’argent impliqué. Et des fois on continue ».
Jacqueline Gozland –Réalisatrice et productrice française
« Mon histoire est tout à fait complémentaire aux sœurs qui sont sur le plateau. Pourquoi ? Parce que quand on est une femme née en Algérie et qui a quitté l’Algérie et qui en même temps qui se sent très algérienne. Pourquoi je parle de cela tout de suite. C’est que mon parcours de cinéaste est lié à mon parcours de femmes. C’est-à-dire mon histoire. Je viens d’une génération où les femmes n’ont pas l’expression par l’image d’autant plus que je fais partie de la communauté juive. En tant que juive la représentation par l’image, il y a une sorte d’interdit. Il a fallu combattre au plus profond de moi-même pour faire sortir l’image. Pourquoi je vous dis cela ? Parce que l’exil de ma terre natale a été fondateur de ma création et de mon désir de me lier aux femmes du monde et de me lier surtout à ce qui est en moi : C’est d’être une femme. Ce qui se passe pour moi, aujourd’hui, le mouvement qu’on parle de MiToo. Quand j’ai entendu cela, je me suis dis, c’est bien. C’est fort mais j’ai eu au départ une attitude hostile au départ. Je me suis dis pourquoi avoir attendu tout ce temps là. Pourquoi ne pas avoir associé les femmes du Sud. Les femmes aussi humbles qui ne sont pas dans le cinéma. Pourquoi ne pas avoir fait une convergence des luttes. Il y a deux ans, nous étions sur les marches du festival de Cannes avec 82 femmes qui avaient été sélectionnées au festival de Cannes sur 1688 hommes. Pour montrer que toutes les femmes étaient présentes. Pour moi à la fois, c’est une force et en même temps, c’est comme une sorte d’imagerie fasse au monde. Car le problème et le drame des femmes cinéastes, actrices et productrices. De toutes ces femmes qui combattent au quotidien pour que l’œuvre sorte et apparaisse sur les écrans. C’est tendancieux et sournois parce que vous verrez toujours une image blanche. Aujourd’hui, heureusement que le cinéma d’Afrique, d’Asie, et le cinéma de mon pays l’Algérie, du Maroc et de la Tunisie reflète comme une sorte de combat. On le fait ce combat. Quand il y a des films beaux et pas choc qui racontent. Pour moi femme au cinéma et femme de cinéma, c’est à la différence des hommes qui racontent une histoire mais nous, on raconte une intimité. L’intimité c’est politique. Il faut montrer ces films. Quand vous montrez des films, vous vous dites qu’on existe. Tant qu’on ne peut pas les montrer, tant qu’il n’y a pas de visage colorée et de corps de femmes, on n’existe pas. Je pense qu’il y a très peu de femmes qui font des films, même en Europe, il y a 21% de femmes qui font des films. Les hommes détiennent plus de budget. On fait plus confiance à un homme qu’à une femme sur les plateaux.
Après la guerre d’indépendance de l’Algérie, il y a eu des femmes qui ont combattu et ces femmes là on toujours cette expression. Quand Simone Veil au moment de l’indépendance, a fait rapatrier des femmes qui étaient torturées dans les prisons françaises pour leur éviter le viol. Elles sont devenues plus tard avocates. C’st à nous aujourd’hui, modestement, à reprendre le flambeau de cette résistance qui a eu lieu aussi à Alger quand il y a eu cette émancipation des femmes. Je pense qu’aujourd’hui, on devrait dire quelque chose : Qu’il y a ait chaque mois, un appel dans chaque pays du monde. Une sorte de relais et de marche des femmes. Ce débat est fondamental pour nous. Il ne faudrait pas qu’on reste dans l’entre- soi du glamour de Cannes. Je pense qu’il faut être aussi avec des dames de ménage. Il ne faut jamais avoir peur de ce qu’on est. Si on raconte des histoires, c’est grâce aux femmes qui vivent au quotidien leur sort, peut-être, d’actrice de dame de ménage ou encore de chef d’entreprise ».
Anna Bucca- Enseignante et militante associative à Palerme
« L’industrie cinématographique reste trop bas par rapport à ceux qui ont produit et qui ont dénoncé quelques chose. C’est une question sur le capitalisme et sur les sociétés qui sont basées sur le masculin. Il y a eu une exploitation capitaliste des femmes J’ai lu récemment dans un article de presse américaine que les femmes étaient au centre de l’industrie cinématographique en tant que productrice, actrice et réalisatrice et ce, jusqu’au moment où on a mis un peu de côté cette industrie. Cela a duré cinquante ans jusqu’à ce que des chercheurs à la fin des années 90, des chercheurs ont retrouvé le film de la plus ancienne réalisatrice du monde. Maintenant, ils sont en train de construire l’histoire du cinéma des femmes faits par des femmes. C’est important de rapporter l’histoire de ceux qui ont fait le cinéma, notamment les femmes. Une réalisatrice à qui on a posé la question, elle a dit, moi je suis réalisatrice mais je dois dénoncer le parcours d’une femme réalisatrice c’est plus long qu’un réalisateur homme. Il y a une autre célèbre réalisatrice italienne qui dit quand on fait un film, tout doit démontrer quelque chose en plus des autres. On ne croit pas qu’une femme a la capacité de gérer l’organisation et la fabrication d’un film. Je pense que dans le cinéma au Maghreb, il y a beaucoup de femmes qui touchent des thèmes qui sont proches entre autres de l’immigration et du harcèlement