ALGER- Le documentaire « Fi rassi rond-point » (Dans ma tête un rond-point) du réalisateur algérien Hassen Ferhani a remporté le grand prix du 6e Festival international du cinéma d’Alger dédié au film engagé clôturé samedi soir à Alger.


Le documentaire « Life is waiting: referendum and resistance in western Sahara », de la réalisatrice américano-brésilienne Iara Lee, mettant en avant la résistance et le combat du peuple sahraoui, a été projeté mercredi à Alger. En compétition dans le cadre du 6e Festival international du cinéma d’Alger (FICA) dédié au film engagé, ce documentaire de 59 mn s’articule autour du mouvement artistique sahraoui dans sa lutte pour recouvrer la liberté spoliée par les forces d’occupation marocaines. Appuyé par des défenseurs de la cause sahraouie et des activistes des droits de l’homme, ce mouvement de résistance constitue le fil conducteur de ce film sorti en 2015. Le documentaire émerge dans les camps des réfugiés sahraouis en pénétrant dans les tentes, symbole de résistance contre l’assimilation prônée par les autorités coloniales. Donnant la parole à des militants et acteurs de la scène culturelle, ce documentaire met en évidence la contribution des artistes dans la sensibilisation du peuple sahraoui dans son combat contre l’occupant marocain.


Cette année, on peut dire sans se tromper que les films documentaires se taillent la part du lion sur la fiction non par le nombre, mais par la qualité de leur traitement rehaussé d’une esthétique pour certains…


Projeté en avant-première, mardi, à la salle El-Mouggar, ce documentaire sur l’univers des abattoirs algérois a conquis le public présent.


«Il est préférable d’avoir un rond-point qu’une autoroute dans la tête»

Fi rassi rond-point » (Dans ma tête un rond-point), le nouveau documentaire de Hassen Ferhani est en compétition au 6e Festival international du film engagé d’Alger qui se déroule jusqu’au 19 décembre. Le film a été primé dans plusieurs festivals à l’étranger :  Turin, Amsterdam, Marseille…

 

Aux Journées cinématographiques de Carthage, il a décroché le Tanit d’or du meilleur documentaire. Le film plonge dans l’univers peu connu des Abattoirs d’Alger. Hassen Ferhani donne la parole à des ouvriers comme le jeune Youcef, le vieux Ali, ou le poétique Amou.

Des hommes qui parlent librement de la vie, de l’amour, du chagrin, du départ, de la mort et du mensonge. Beaucoup d’humanité dans ce documentaire tourné dans un endroit où coule le sang et où la mort rôde.

Vous avez choisi les Abattoirs d’Alger pour filmer Fi rassi rond-point (dans ma tête un rond-point). Pourquoi cet endroit ?

Je connais cet endroit depuis mon enfance puisque je n’habitais pas loin de là. Il est proche du centre-ville. Autour de Oued Kniss, il y a la Maison de la monnaie, le Mont de piété et les Abattoirs.

Tout un pan de l’Histoire. Les Algérois connaissent cet endroit en raison des nombreux restaurants où l’on vendait des brochettes de viande. Je voulais faire un film avec les ouvriers. Peu de documentaires algériens se sont intéressés à cette catégorie de la population.

J’avais commencé ce travail avec Afric Hotel (avec Nabil Djedouani) sur les ouvriers subsahariens d’Alger. Pour la plupart, les ouvriers des Abattoirs ne sont pas de la capitale, vivent dans une sorte de huis clos. Ces abattoirs vont disparaître.

C’est donc une démarche pour garder une trace d’un lieu, d’une mémoire, mais surtout des hommes qui y travaillent et y vivent. C’est donc une particularité qui intéresse le cinéaste puisque le lieu de travail et le lieu de repos se confondent. Nous avons passé deux mois et une semaine à l’intérieur, moi à l’image, et Djamel Kerkar au son.

Ces ouvriers se sont vite confiés à vous, ou étaient-ils méfiants ?

Le jeune Youcef et son ami ont vite compris ma démarche. Amou, qui arrive plus tard dans l’histoire, était curieux,  était là derrière la caméra à voir ce qui se passait. Nous avons essayé de rendre cela dans le film d’une manière chronologique.

Et nous avons retranscrit cette idée dans le montage avec l’arrivée de Amou au milieu du film. La caméra est devenue un objet de discussion et de curiosité. Il y a eu un débat sur la télévision, sur le cinéma, sur le rapport à l’image, sur les nouvelles chaînes de télé.

Il fallait donc expliquer notre démarche. Nous leur avons dit que nous n’étions pas une équipe de télé qui vient prendre ce qu’elle a envie avant de repartir. La différence entre un documentaire de cinéma et un reportage télé est le temps.

Ce temps nous permis de créer une relation d’amitié et un rapport d’artisan à artisan. En arrivant, on leur demande le nombre de vaches traitées et eux nous interrogent sur l’évolution du tournage.

Les protagonistes dans le film donnent l’impression de se confier à la caméra. Est-il facile d’arriver à ce niveau-là de confession ?

Il était important de dire qu’on était là avec un regard et une oreille attentifs. Nous ne filmions pas à outrance. Nous ne voulions pas être dans la quantité. Parfois, nous n’avions pas tourné pendant une journée, préférant discuter et circuler dans les abattoirs. Nous parlions de sport, de politique et de cinéma. Une manière d’apprendre à mieux se connaître.

La caméra était souvent braquée en gros plan sur les visages. Toutes les expressions étaient mises en valeur, parfois sans aucun mot.
Pourquoi ?

J’ai tourné avec un objectif fixe de 50mm. Et l’intérêt du 50mm est qu’on peut avoir un plan moyen large et en même temps un plan rapproché sur les personnages. Tout dépend de la situation et du moment. Quand le jeune Youcef parle de ses choix, je dois être proche de lui. Quand il parle avec sa petite amie au téléphone, il est important d’être à côté… Le parti pris était de ne jamais sortir des abattoirs. Au début du film, je donne une vue générale de l’enceinte pour dire que nous n’allons pas sortir. Tout le reste, c’est la vie à l’intérieur

Pourquoi vous êtes-vous intéressé au fou et à ses incohérences ?

Comme dans un village, il y a toujours un fou. Les abattoirs ressemblent à un village avec ses codes et ses personnages. Même si ce qu’il disait était décousu, il y avait une certaine cohérence. Il parle de religion, de Lune, d’ombre, de lumière. Après, ça devient poétique.  Et puis, la lumière et l’ombre, c’est le cinéma.

Il vous a accusé de faire de l’espionnage…

Dans cette phrase, il nous provoquait un peu. «Avec ça, vous n’allez pas monter sur la Lune», nous a-t-il lancé. Après tout, ce n’est qu’un film. J’interroge dans le film tout ce qui a un rapport à la vérité, au mensonge, à la télévision.

Il y a une scène où l’on tire un veau et en même temps on assiste à un match télévisé de l’équipe algérienne au Mondial. Après, on s’intéresse plus au match au passage d’un veau tiré par une corde…

Le contrechamp m’intéressait à ce moment-là. Les hommes regardaient le match Algérie-Corée du sud au Mondial. J’ai trouvé une discrète place derrière et je filmais de dos. A un moment, des hommes venaient tirer avec un corde un veau. Chacun peut interpréter cette scène à sa manière, moi je voyais la solidarité entre ces hommes qui tiraient la même corde. La magie du documentaire est justement d’avoir ce genre de scène.

Il y a aussi cette scène d’un homme lisant un journal déposé à même le sol, un sol qui n’est pas propre, au moment où une vache agonisait…

Je travaille comme un photographe, je circule à l’intérieur et j’essaie de voir là où ma sensibilité m’emmène. J’avoue que j’étais surpris par cette scène : un homme lisait le journal avec une lumière tombant sur le visage avec, à trois mètres de lui, un animal qui agonisait. L’homme n’y faisait aucune attention. Un autre homme vient «couper» le plan en deux.

Cela raconte un peu le film, dans un lieu où le sang coule et où la mort rôde, il y a de la poésie (…). Il y a aussi la scène des journalistes qui débarquent le jour de l’Aïd. Nous avons essayé de réfléchir à une séquence qui répond à une autre. Amou donne la clef en disant : «Ils ne viennent nous visiter que le jour de l’Aïd» et qui dit encore : «On ne ment pas, mais on n’est pas tombé dans la vérité». Les séquences s’enchaînent. Dans cette scène, le rapport à la télévision est questionné. Sans aucune idée de confrontation, notre démarche est différente de celle de la télé.

On peut penser que c’est une manière pour vous de mettre en valeur votre propre travail en étant présent tout le temps aux abattoirs…

J’aime filmer des gens, en étant proche d’eux et en restant ouvert aux propositions qu’ils me font. Ce n’est pas un film sur eux.

Ce n’est pas un sujet. Lorsqu’on filme un sujet, on part déjà avec des idées précises. Moi, je pars sans a priori. Nous n’avons forcé personne à passer devant la caméra. Il y a des gens qui n’étaient pas intéressés. Il y a des protagonistes que j’ai filmés et qui ne sont pas dans le montage. C’est une question de choix de ce qu’on raconte et avec qui. Je voulais susciter de la curiosité envers notre travail, être dans la durée en filmant ces protagonistes qui me permettaient d’allumer la caméra à tout moment, mais toujours dans le respect

L’idée du mensonge et la vérité voyage dans votre documentaire à travers le personnage Amou avec insistance.  Pourquoi ?

Cela pose la question du documentaire, du cinéma. Qu’est-ce qui est mis en scène ? Qu’est-ce que la vérité ? L’objectivité et la subjectivité dans un reportage ou dans un documentaire sont également évoquées. «On ne ment pas et on ne tombe pas dans la vérité» prononcée par Amou est une phrase philosophique qui renvoie au cinéma.

Cette phrase m’a accompagné le long du film, comme une épitaphe d’un livre. Nous sommes des êtres complexes, fragiles. Parfois, on peut mentir ou dire la vérité. Quand on ment, ce n’est pas forcément pour faire du mal. La question de la vérité et du mensonge dans la vie et dans le cinéma est complexe. On peut en débattre pendant longtemps.

Cela aurait pu être le titre du documentaire…

C’est vrai. Mais, cela aurait été un titre trop long. On ne voulait pas d’un titre intellectuel. Il y a une manie dans un certain cinéma de prendre des titres à rallonge. Amou débat sur le titre à choisir du film. Youcef dit : «J’ai un rond-point dans la tête». Nous nous retrouvons souvent dans des situations où l’on doit choisir entre plusieurs routes, plusieurs destins. Cette phrase me parle. Elle est poétique. C’est très algérien comme expression, un mélange d’arabe et de français. Il est préférable d’avoir un rond-point qu’une autoroute dans la tête. On s’interroge, on ne sait pas à quel moment on prend telle ou telle décision. Même moi, j’ai un rond-point dans la tête !

Des propos tenus par les personnages du documentaire se dégage une certaine noirceur mêlée à de l’amertume. Youcef veut faire le choix du suicide ou le départ, et le vieux Ali dit avoir raté sa vie…

Je n’ai pas l’impression d’avoir fait un film très noir. Il y a de la musique, de l’amour… Hasni qui chante. Mais, en même temps, ce n’est pas Disneyland. C’est un lieu où le travail est très difficile, où les employés ne gagnent pas beaucoup d’argent par mois. Ils sont en première ligne de ce qui se passe aujourd’hui en Algérie. On peut avoir la sensation de noirceur parce que la vie est dure, mais ce n’est pas ce que j’ai voulu donner comme impression. A des moments, ils chantent. Dans d’autres, ils sont dans la dépression. Ils passaient par des phases. D’où l’idée du rond-point.

Et à aucun moment ils ne parlaient de leur travail aux abattoirs…

Dès le départ, je ne voulais pas parler de viande dans le film. Le travail aux abattoirs est présent d’une certaine manière, mais je ne voulais pas être dans le documentaire d’information (…). La manivelle montrée au début ressemble à une ouverture d’un rideau de théâtre. Les plans sont construits comme des scènes de théâtre de la vie. Comme dans une fiction, les protagonistes deviennent personnages principaux et d’autres qui sont secondaires. Ce qui m’intéresse, c’est de faire un film sans m’interroger s’il s’agit d’une fiction ou d’un documentaire. J’y vais et je filme ce que je vois.

Gasbah, raï, un peu de chaâbi, ces choix musicaux sont-ils liés aux personnages, à ce qu’ils écoutent ?

J’ai été frappé par l’univers sonore aux Abattoirs. On passe d’une musique à une autre, surtout le soir. Toute la musique qui est dans le film n’est pas rajoutée. Je ne voulais pas passer à côté de cet univers. Il y a de la sagesse populaire dans le raï et la gasbah. Je me suis inspiré du raï et de son rythme pour faire le montage, alors que d’autres sont dans le jazz. On passe d’un sujet à un autre facilement comme dans les chansons raï, de l’amour au chagrin.

A la fin, Youcef est apparu habillé en blanc chantant du Hasni. On pensait que le film était terminé. Fallait-il ajouter ce plan ?

Nous avons fait un petit générique, et puis nous sommes revenus sur Youcef interprétant une chanson triste de Hasni. Cela veut dire que la vie va continuer dans ce lieu là. Youcef évoque la dépression et le départ, mais chante, fait du sport en même temps.

L’écriture en montage est très visible dans Fi rassi rond-point. N’est-ce pas ?

Avec 60 heures de rushes, on peut écrire des films différents. Dans la matière que j’avais, je pouvais avoir plusieurs directions. Mais je savais lors du tournage quels étaient les axes à explorer. Au moment du montage, il fallait construire un univers à l’intérieur d’un lieu. Nous avons travaillé sans lumière additionnelle, sauf à un moment où j’ai utilisé mon portable pour éclairer le visage de Amou. J’ai été frappé par les atmosphères à l’intérieur des abattoirs avec un mélange de couleurs. J’ai essayé de travailler sur cela.

Allez-vous continuer sur la voie du documentaire dans le futur ?

Il est important d’aller poser sa caméra dans la rue, de trouver du temps pour explorer des lieux, des institutions, d’être proches des gens, mais avec la durée. J’ai envie de continuer dans cette démarche en faisant des recherches et en sortant des schémas classiques.

Fayçal Métaoui

el watan


ALGER- Le film documentaire « Ady gasy » du réalisateur malgache Lova Nantenaina, projeté mardi soir dans le cadre du 6e Festival international du cinéma d’Alger (FICA) dédié au film engagé, illustre le vécu d’une grande partie des Malgaches qui ont opté pour la débrouillardise comme mode de vie.


Le documentaire « Howard Zinn, une histoire populaire américaine » qui porte un regard rétrospectif sur les conditions de travail des migrants ainsi que les luttes ouvrières du 20e siècle, a été projeté mardi à Alger en compétition au 6e Festival international du cinéma d’Alger (FICA).

Coréalisé par Olivier Azam et Daniel Mermet, ce documentaire de 106mn s’inspire de l’histoire de Howard Zinn dont les parents ont débarqué, comme des milliers de migrants d’Europe aux Etats-Unis en quête de fortune et d’une vie meilleure.


Le film documentaire « Fi rassi rond-point » (Dans ma tête un rond-point) du réalisateur Hassen Ferhani, une immersion dans l’univers décalé des abattoirs d’Alger si méconnu des algérois, projeté mardi soir, a été ovationné par les cinéphiles d’Alger très nombreux à cette première projection.


ALGER- Le documentaire « Life is waiting: referendum and resistance in western Sahara » de la réalisatrice américano-brésilienne Iara Lee mettant en avant la résistance et le combat du peuple du sahraoui a été projeté mercredi à Alger.


«Il est préférable d’avoir un rond-point qu’une autoroute dans la tête»

Fi rassi rond-point » (Dans ma tête un rond-point), le nouveau documentaire de Hassen Ferhani est en compétition au 6e Festival international du film engagé d’Alger qui se déroule jusqu’au 19 décembre. Le film a été primé dans plusieurs festivals à l’étranger :  Turin, Amsterdam, Marseille…


Un ange nommé Denis Mukwege

Denis Mukwege est un homme qui mérite amplement le prix Nobel de la paix. Nominé à deux reprises par le comité de Norvège, il ne l’a pas eu. Difficile d’avoir le Nobel de la paix lorsqu’on est Africain, noir de peau.

Le comité blanc du Nobel ne regarde que rarement du côté du continent noir. Cet homme courageux fait un travail merveilleux à l’hôpital Panzi, à Bukavu, dans le Sud-Kivu, en République démocratique du Congo (RDC). Il soigne depuis la fin des années 1990 les femmes et les jeunes filles victimes de viols. Des viols commis par les rebelles rwandais Hutus.